L’exécution de la prière musulmane ne dépend pas d’un emplacement ou d’un édifice particulier, mais d’un état — la pureté rituelle — et d’une direction — celle de Jérusalem puis de la Kaaba. Rien ne définit donc, à l’origine, la forme d’un lieu de culte, ni celle d’une liturgie. Bien que la prière puisse être exécutée dans n’importe quel environnement, sa réalisation dans une mosquée est plus méritoire. La mosquée néanmoins, avant d’être un édifice, est un lieu de culte et de réunion de la communauté musulmane. Cet emplacement n’est pas nécessairement construit. L’espace doit simplement être orienté afin d’indiquer la direction de la prière. Dans certains contextes, la mosquée prend donc la forme d’un espace à ciel ouvert, un muṣallā, simplement indiqué par un mur dirigé vers la Kaaba. La plupart des mosquées est cependant construite. Dans le cas des grandes mosquées urbaines, tardivement appelées ğāmi῾, antérieures au milieu du XIIIe s., l’espace est fermé par des murs qui dessinent une cour intérieure, encadrée de portiques, et une salle à vaisseaux longitudinaux, couverte d’une toiture. Les petites mosquées, souvent désignées par le terme masğid, revêtent des formes beaucoup plus simples — parfois un simple bâtiment, fermé sur ses quatre côtés et composé d’une pièce unique, la salle de prière.
Fermer l’aire de prière de la mosquée a fait émerger la question de la gestion de la quantité de lumière pénétrant l’édifice, du choix d’éclairer certains espaces au détriment d’autres ou de composer avec les jeux de lumière induits. La pratique des prières nocturnes a par ailleurs imposé l’usage de luminaires, également employés dans le cadre de fêtes ou de cérémonies, à travers des formules diverses. L’ampleur que va prendre l’usage de l’éclairage artificiel dans les mosquées, alors même que la dotation en lampes de la mosquée du Prophète ne relève pas d’une initiative mohammadienne, suggère une évolution du statut de l’objet luminaire lui-même, qui devient réceptacle et transmetteur de la lumière divine et symbole du Prophète. Comment la lumière — à travers les différentes modalités de sa gestion pratique, son travail intentionnel ou implicite, et la charge symbolique qu’elle véhicule — devient-elle, des conquêtes à la fin de la dynastie ayyoubide, un élément structurel des grandes mosquées syriennes et égyptiennes, susceptible de transformer l'expérience de l'édifice religieux lui-même en une expérience singulière ?
Un portrait synthétique des outils disponibles dans la gestion de la lumière, aussi bien naturelle qu’artificielle, permettra d’examiner les différentes ambiances lumineuses qui pouvaient être créées dans les grandes mosquées qui nous intéressent. Ces ambiances lumineuses sont autant de moyens d’organiser l’édifice religieux et de marquer, spatialement ou temporellement, sa sacralité potentielle. Si la lumière, en particulier artificielle, devient sans doute l’un des marqueurs de sacralité de la mosquée, c’est qu’elle peut revêtir une charge symbolique signifiante.